9 168 km dissociaient mes parents. Leur amour ne respirait plus qu’au rythme de mes traversées de l’Atlantique : de 15 à 19 ans, j’ai eu pour responsabilité d’apporter à mon père les manuscrits que lui écrivait Ohara, ma mère.
07 Juin 1969. Le Boeing 707 s’éleva au dessus de Rio à 22h29 UTC, précisément. Mon indéfectible angoisse me conduisit à égrainer sous ma langue ce qu’il me restait de cachetons. J’avais dans le corps un taux de benzodiazépines indécent ; et pour unique bagage, cet ouvrage qu’il m’était éthiquement interdit de lire. Couverture mauve, aucun titre. À l’intérieur, j’imaginais l’intensité d’une femme, d’une relation, la volonté d’exprimer ce qui ne peut l’être autrement.
Le voyage s’accomplissait dans l’ennui le plus dilué jusqu’à ce que l’hôtesse, généreuse, me confiât Le Roman inachevé, pour m’occuper. C’était, me dit-elle, une autobiographie poétique d’Aragon. J’en parcourais les premières lignes à mesure qu’une lumière chaude, issue du hublot, vint à les éclairer.
Réacteur en flammes, crash imminent.
Je planais littérairement.