1.
C’est en juin trente-et-un que tu nais en Dordogne
Complice à t’écouter j’en ai beaucoup appris
Ferme, an quarante et flirts, chemins de fer, besogne
Tant d’emplois laborieux du sud-ouest à Paris
D’un solstice d’été à celui-ci d’hiver
En épousant mamie en constellant maman
Durant neuf décennies livré à l’univers
Tu te drapais d’honneur sage et modestement
Nous prenons le flambeau à présent qu’en décembre
Deux mille vingt t’appelle à l’ultime antichambre
Goûter au vin astral pour un dernier chabról
Rien ne sert de pleurer mais nous pleurons quand même
On préfère aux adieux formuler des je t’aime
Et chanter ces je t’aime au-delà des paroles
2.
Tu es venue au monde en avril trente sept
Dans mes veines reluit chaque tisane au miel
Car quand j’étais lionceau repu de tes recettes
Il fallait un carcan : toi, liant essentiel
Mamie dans ta maison tout est rangé précieux
Quelques clichés signés Guy Rivière retracent
De baptêmes sépias en mariages d’aïeux
Les choses de la vie pour toi pleines de grâce
Merci pour tout, le lac à Lanquais, pour tes cartes
Régulières qui sont désormais tant de portes
Sidérales ouvrant vers ma grand-mère Marthe
Où es-tu ? Parmi nous alignés à l’église
Ici à Salignac le temps que l’on t’escorte ?
Ceux qui partent de tout avec tout s’égalisent
3.
Vous partez tous les deux presque main dans la main
Couronnant d’unité soixante ans de mariage
Et la fresque de votre inséparable alliage
Éclairera nos cœurs jusqu’au bout du chemin
Vous partez tous les deux c’est un apprentissage
Savoir dans le tragique éveiller la beauté
Si bien qu’après le deuil sous ce ciel argenté
Nous chérirons promis le reste du voyage
Je n’oublierai jamais les mains de mon grand-père
L’atelier le vélo les pieds nus dans la terre
Être là sans tourment juste heureux il me semble
Je n’oublierai jamais la voix de ma grand-mère
La véranda le soir quand après la rivière
Entrelaçant nos ans nous jouions tous ensemble